Pour les assureurs, le raboteur «a eu la main lourde»

01/09/2010 - Le Figaro  

Bernard Spitz, le président de la Fédération française de sociétés d'assurance.

INTERVIEW - Bernard Spitz, le président de la Fédération française de sociétés d'assurance, réagit à l'annonce de 3,2 milliards de taxes supplémentaires.
 
LE FIGARO. - Le gouvernement va mettre les assureurs à contribution pour financer la dette sociale. Comment réagissez-vous ?

Bernard SPITZ. - Les assureurs sont conscients de l'état des finances publiques et prêts à participer à l'effort commun. Mais le «raboteur» a eu la main lourde. Ces mesures sont excessivement sévères : d'après nos calculs, elles pourraient représenter non pas 3 milliards d'euros mais jusqu'à 4,7 milliards. Sur les 10 milliards d'effort sur les niches recherchés au total, c'est beaucoup demander aux assureurs et aux assurés. Et c'est contradictoire avec l'objectif de privilégier l'économie et l'emploi. En effet, l'argent de l'assurance-vie ne dort pas. Il est investi à long terme pour 54% dans les entreprises, sous forme d'actions ou d'obligations. Et le reste finance essentiellement la dette souveraine.

Vous saviez pourtant que les niches fiscales étaient dans le collimateur du gouvernement…

L'assurance-vie n'est pas une niche fiscale ! Il est facile de qualifier ainsi tous les produits auxquels on veut s'attaquer. Dans le cas de l'assurance-vie, c'est particulièrement injustifié. Elle a un régime fiscal spécifique, comme tous les produits d'épargne, qui est la contrepartie logique d'une durée de placement de plus long terme. L'assurance-vie n'est pas une niche, c'est la résidence principale des placements des Français !

Quelle mesure est la plus grave ?

Toutes les mesures présentées auront un impact fort. Mais celle qui concerne la taxe sur les réserves de capitalisation viendrait fragiliser la solvabilité des assureurs au moment même où le secteur doit s'adapter à un bouleversement prudentiel avec la directive Solvabilité II. Il s'agit bien d'une ponction de 1,6 milliard sur les fonds propres des assureurs qui ne peut que peser sur leur compétitivité en matière de solvabilité. On n'a pas demandé aux nageurs français de disputer les championnats d'Europe lestés d'un sac de cailloux… Ne le demandons pas aux assureurs !

Concernant l'assurance-vie, il ne s'agit pas d'une hausse de prélèvement. Les détenteurs de contrats multisupports payeront simplement la CSG et la CRDS plus tôt sur leur compartiment en euros…

C'est exact. Néanmoins, cette mesure pose des problèmes juridiques. Le contrat multisupport, même s'il comporte un compartiment en euros et un autre en unités de compte, est un tout. Le produit de son compartiment en euros n'est acquis que lors du dénouement du contrat. Il faudra donc rembourser à l'assuré le trop-plein de CSG et de CRDS éventuellement versé. J'ajoute que cette mesure impliquerait une gestion très lourde pour les compagnies d'assurance.

François Baroin estime que les assureurs et les mutuelles ont la capacité de ne pas répercuter sur leurs clients la nouvelle taxe sur les contrats de complémentaire santé responsables. Qu'en pensez-vous ?

Je crains que ce ne soit pas aussi simple. Le jeu de la concurrence jouera entre compagnies, mais la taxe sera forcément répercutée sur les assurés. C'est mécanique. L'Unocam, qui réunit les professionnels de l'assurance-maladie complémentaire, avait proposé un plan de 3 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de santé. Ce sont des réformes structurelles de ce type qu'il faudrait mettre en place plutôt que d'augmenter les impôts.

Que comptez-vous faire pour limiter l'impact de ces mesures ?

Nous attendons d'abord de connaître l'exacte teneur des textes. Puis nous ferons des propositions au gouvernement comme à la représentation nationale, dans un but constructif. Si des dispositions réglementaires adaptées améliorent l'environnement compétitif de nos entreprises en France et en Europe, ce sera la meilleure garantie pour les recettes fiscales.

Le Figaro.